ERIC PERRAUX, OSTÉOPATHE SOLIDAIRE À MONTPELLIER : «SOIGNER DES CORPS, LIEUX DE DOULEURS »
Eric Perraux, ostéopathe à Montpellier, est un pilier de l’association « Les dispensaires de l’ostéopathie » dans l’Hérault. Chaque mardi, des professionnels reçoivent bénévolement des personnes en situation de précarité. La dignité des personnes les plus pauvres passent aussi par le soin du corps. Eric Perraux témoigne de la richesse de cette expérience.
«L’idée est venue d’une mobilisation des ostéopathes pour promouvoir leur profession. Nous dispensons des soins qui ne sont pas remboursés. Nous nous sommes alors demandé comment toucher les personnes démunies. La réponse s’est imposée : il fallait aller là où elles sont.
Nous avons noué un partenariat avec la Croix-Rouge d’une part, et avec le collectif Santé Précarité d’autre part, que connaît ATD Quart Monde. Le mardi matin, nous recevons dans un centre d’accueil de la Croix-Rouge qui met une pièce à notre disposition. L’après-midi, nous sommes dans une autre structure, les Lits Halte Soin Santé (les anciens Lits Emmanuelli), où travaille une équipe de médecine sociale.
Un dispositif pérenne
Nous sommes une trentaine d’ostéopathes à assurer ces permanences à tour de rôle. Cela revient à une fois tous les deux-trois mois. On évite ainsi la lassitude. Et nous arrivons à avoir un dispositif pérenne depuis 2008, ce qui est une vraie réussite.
Dans le centre de la Croix-Rouge où les gens viennent pour prendre des douches, utiliser la machine à laver, etc, nous avons généralement cinq rendez-vous par matinée, à raison de trois quarts d’heure pour chaque personne. Le public que nous touchons est assez large : des gens ayant peu de moyens, des petits retraités, des mères seules avec enfants, même des étudiants.
Au centre Halte Soin Santé, nous avons plutôt 3 rendez-vous, mais plus longs, d’une heure chacun. Le centre reçoit des personnes en bien plus grande précarité, des gens à la rue souvent ayant des problèmes d’alcool ou des problèmes de santé lourds – elles sortent de soins intensifs, ont des cancers…. C’est pour elles un sas intermédiaire. Le collectif ATD nous en envoie.
Un euro symbolique
Nous demandons un euro symbolique. Souvent les gens n’ont pas d’argent sur eux. Beaucoup reviennent et nous rapportent un euro avec une certaine fierté. Ils apprécient ce rapport d’échange.
Leurs corps sont un lieu de douleurs. En raison de leurs conditions psycho-sociales, ils souffrent de mal-être. Dans les corps, les processus se figent. Avec nos mains, nous pouvons mesurer le degré d’angoisse, de tension.
On détend les articulations, on relâche les tensions. On leur permet d’être bien avec leurs corps. On a l’impression qu’on les aide à se rétablir au niveau santé mais aussi socialement.
Ces personnes sont comme tout le monde. Peut-être ont-elles moins d’appréhension lorsqu’elles s’allongent. Elles nous donnent alors carte blanche.
Un échange humain fort
Nous les avons interrogées un jour pour faire une vidéo. Elles définissent très bien ce qu’est l’ostéopathie, ressentent le bien que ça leur apporte. Elles repartent plus détendues, plus calmes.
Dans notre métier, nous touchons les gens, c’est un rapport entre deux personnes. Pour nous, ces rencontres sont très riches. Cela nous permet d’aller plus loin dans notre pratique.
L’échange humain est très fort. Une fois, j’ai eu un homme qui avait 15 ans de vie dans la rue. J’avais l’impression d’avoir entre mes mains un moineau tombé du nid.
Nous n’avons pas de difficultés à recruter. Parmi nous, il y a des personnes plus âgées, sensibilisées à ces questions, mais aussi des jeunes qui défendent des valeurs. »
Recueilli par Véronique Soulé
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